Politique de diffusion et explication des données et produits géophysiques en contexte de gestion de crise

Esther Souzan, stage de L3, département de Géosciences, Ecole Normale Supérieure Paris - Juin 2021

La crise du Covid19 met en évidence les complications inhérentes à la gestion d’un risque, ici sanitaire. Elle se fait aussi l’exemple des difficultés des pouvoirs politiques d’appliquer des mesures anti-risque quand une partie de la population manque de confiance en les institutions et les mesures proposées ( Le Clainche, 2021). La gestion des crises géophysiques connait des problématiques similaires, que ce mémoire de stage de recherche en géosciences, réalisé dans le cadre de ma formation à l’École Normale Supérieure, se propose d’explorer. Pour cela, je m’intéresserai à la gestion du risque dans la crise volcanique modérée que connaît la Martinique depuis décembre 2020, où elle est passée à un niveau d’alerte jaune (soit le 2e niveau sur une échelle de 4). Cette crise implique trois types d’acteurs principaux : les pouvoirs publics, la communauté scientifique et la société civile. Il s’agira donc d’étudier la façon dont les observatoires scientifiques jouent un rôle crucial dans la gestion des crises volcaniques, dont le caractère incertain et hautement à risque compliquent la gestion. La démarche de ce travail est "naîve" et journalistique, en cela que je me suis mise dans la peau d'un citoyen curieux et préoccupé, en quête d'information.

Nous nous attacherons donc à comprendre la gestion actuelle des risques, en passant par : les risques que pose la crise volcanique actuelle, les instruments dont les pouvoirs publics et les communautés scientifiques disposent pour juger de la situation, et pour finir les enjeux de communication posés par une décision politique aux conséquences majeures.

Ainsi, nous commencerons par définir l’amplitude du risque volcanique en Martinique en étudiant le contexte volcanique et insulaire, et les vulnérabilités qui en découlent sur la population. Nous étudierons ensuite en détail le fonctionnement des dispositifs de surveillance qui assistent aux prises de décision politiques, notamment les observatoires scientifiques (une carte intéractive du réseau de surveillance a été réalisée dans la perspective de cartographier les types de données dynamiques disponibles : Lien vers une carte des diverses stations géophysiques en Martinique) et les échelles de risque développées. La spécificité du risque volcanique réside dans sa grande part d'incertain, qui signifie que les stratégies politiques de mitigation des risques, qui s'accompagnent d'un coût économique et social considérable, peuvent ne pas être appropriées au scénario qui se déroulera après la décision. Dès lors, les pouvoirs publics rencontrent une difficulté récurrente dans les crises mais renforcée par la spécificité du risque volcanique : la confiance de la population dans les plans de mitigation de risques. La manière dont une société perçoit la gravité d'une crise, la réalité du danger, la pertinence des solutions apportées, a un impact considérable sur le succès de l’implémentation de ces solutions. La résurgence de discours alternatifs sans fondements, dits "complotistes" dans le cadre de la crise du Covid19 met en évidence que des acteurs malveillants peuvent exploiter les zones d’ombres des discours officiels et des crises de confiance de la population envers ses institutions, pour parfois inciter à des comportements dangereux voire violents, qui font obstacles aux plans anti-risques. Dans le cas d'une crise volcanique, cette difficulté est renforcée par le risque qu'une décision politique soit jugée, à postériori, inappropriée. Le risque volcanique étant toujours probabiliste, une évacuation très couteuse rendue inutile par l'absence d'éruption ou un événement volcanique meurtrier non anticipé. Un niveau de confiance important entre les acteurs politiques, scientifiques et civils est donc très important. Pour cela, deux pistes sont à privilégier : une communication soutenue et lisible des institutions vers la population, et l'accès à des données ouvert. Cette dernière piste présente des avantages majeurs : elle permet à la fois des avancées scientifiques et une prise de conscience collective des faits et des enjeux, une meilleure compréhension des solutions, et in fine une meilleure adhésion à ces solutions.